Bien que le rôle des médias dans la consolidation de la paix soit indéniable à nos jours, force est de reconnaitre que l’impact des réseaux sociaux dans la consolidation de la paix et la démocratie a longuement été abordé à travers des thèmes : liberté de presse, pluralisme médiatique, la crédibilité et le respect de la loi régissant la liberté d’expression.

Par ailleurs, l’opportunité qui s’offre aux acteurs de paix pour la promotion de la paix, du vivre ensemble et de la cohésion à travers ces canaux de communication n’est pas exploitée au maximum. A un moment où le Mali fait face à une crise multidimensionnelle, il faut en tirer parti.

l’opportunité qui s’offre aux acteurs de paix pour la promotion de la paix, du vivre ensemble et de la cohésion à travers ces canaux de communication n’est pas exploitée au maximum

Le pouvoir des réseaux sociaux

En dépit de ce qui précède, les acteurs de paix locaux ne disposent pas assez de marge de manœuvre permettant d’œuvrer à l’accessibilité des acteurs, à l’information pour le plaidoyer et la sensibilisation pour une meilleure accessibilité aux sources d’informations adéquates concernant les opportunités présentes, notamment auprès des institutions et acteurs de consolidation de la paix.

Une publication de l’Agence Digital au Mali a révélé qu’il y avait 4,85 millions d’internautes au Mali en janvier 2020, sur une population de 19,66 millions de personnes. Selon la même source, le nombre de connexions mobiles au Mali a augmenté de plus de 17% entre janvier 2019 et janvier 2020.

A l’égard de l’adhésion mondiale autour de ces réseaux, tous les secteurs d’activités y sont représentés ; multinationales, grandes marques, financiers, administrations publiques ou encore leaders d’opinion s’y positionnent aujourd’hui en vue de se rapprocher de leur public et par ricochet du reste du monde. Une démocratisation de l’accès à l’information dont les acteurs de consolidation de la paix ne sont pas en marge.

Les réseaux sociaux, une fièvre qui gangrène l’opinion malienne et africaine

Avec plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs chaque jour, les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux canaux pour communiquer et faire de la propagande et du marketing. Des études indiquent que lorsque les Africains se connectent sur Internet, ils vont plus souvent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, etc). Par ailleurs, la lecture des journaux, la messagerie, la recherche de renseignements et la consultation de sites d'informations crédibles sont devenus des activités secondaires. Les comportements de paix sont peu promus.

Avec plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs chaque jour, les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux canaux pour communiquer

Et comme toute médaille a son revers, l’utilisation des réseaux sociaux entraîne également des conséquences négatives : l’usurpation d’identité, le mauvais usage des photos ou images d’autrui, la diffamation et les « fake news » en sont, entre autres, des réalités quotidiennes qui sont plus en plus répandus aujourd’hui.

De nos jours, les réseaux sociaux deviennent indispensables aux sociétés en marche vers la paix et le développement. Dans les zones de conflit et de post-conflit, et dans les pays en transition, le travail que font les médias pour apporter des informations indépendantes et exactes peut contribuer considérablement aux processus de reconstruction et de réconciliation.

De nos jours, les réseaux sociaux deviennent indispensables aux sociétés en marche vers la paix et le développement

Opportunité pour les acteurs de paix locaux peu exploitée

Bien que la révolution d’internet continue d’émerveiller le monde entier, on assiste plus en plus à une massive utilisation des téléphones portables, une passion plus récente pour les réseaux sociaux fait disparaitre les valeurs sociétales anciennes qu’incarnaient les populations du fait de la mondialisation.

La proportion des initiatives de paix relayées à travers les réseaux sociaux est beaucoup inférieure à celles relatives aux incidences sécuritaires, faits divers, dénonciations claniques ou religieuses, querelles de leadership et attaques verbales des personnalités publiques. Cela s’explique pour certains « par le fait que les informations relatives aux initiatives de paix n’ont pas d’attirance pour le grand public » a affirmé Alexis Kalambry, journaliste promoteur du quotidien Malitribune au Mali.

M. Amadou Maguiraga, chargé de programme à l’Institut malienne de recherche action pour la paix (IMRAP), explique un des facteurs de réticence en disant que « les acteurs de consolidation de la paix sont soumis à des procédures de validation interne de informations à diffuser qui ne facilitent pas le partage massif des informations sur les réseaux sociaux et surtout lorsque ces actions portent sur des questions impliquant les forces de défense et de sécurité ».

S’ajoute à cela le contexte de crise comme les conflits en cours ou en perspective qui trouvent leurs sources principales dans les conditions de vie vulnérables des populations. Ces conditions déplorables ont pour noms : pauvreté, chômage endémique des jeunes favorisant leur enrôlement dans les milices armées ou groupes terroristes ; précarisation des acteurs des médias obligeant certains jeunes à prêter le flanc aux manipulations pyromanes qui introduisent une dose de passion dans tous les faits narrés sur les réseaux sociaux.

A ces défis s’ajoute la politique politicienne de manipulation, d’intoxication de l’opinion publique et des rumeurs sur des sujets sensibles profitant à une catégorie d’acteurs nationaux ou même étrangers devient plus en plus fréquente. C’est ainsi que l’info sur un trafic d’or par l’armée française a circulé sur les réseaux sociaux.

Certes, des efforts considérables ont été consentis par les acteurs de paix locaux, avec l’appui de leurs partenaires internationaux au développement, pour régler les différentes crises qui minent le développement de la sous-région. Mais, ces efforts n’ont pas été relayés à la hauteur des attentes.

Au contraire, ils ont été parfois occultés, notamment en raison des tensions socio-politiques d’ordre national résultant très souvent des transformations rapides, parfois violentes, liées à des problèmes de gouvernance, d’instabilité politique, de sécurité humaine.

« Pendant que certains déploient tous les efforts pour la paix, il y’a d’autres qui vivent des conflits et de l’instabilité, » a affirmé M. Allassane Albakaya Touré, chargé de programme à l’ONG GREFFA (Groupe de Recherche d'Etudes de Formation Femme Action). Dans de tel contexte, la consolidation de la paix et la prévention des conflits exigent une communication intensifiée et ciblée de tous les acteurs impliqués, étatiques et non étatiques sur l’efficacité et la durabilité de mesures déployées visant à s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité par la mutualisation de divers domaines de compétence et d’expertise.

Ainsi, les institutions et organisations de paix doivent s’en servir comme moyens médiatiques pour communiquer afin de mieux gérer leur relation avec leurs acteurs cibles. Certaines OSC nationales en consolidation de la paix se sont illustrées dans cette approche de communication comme WANEP, Think Peace et AJCAD qui diffusent toutes leurs activités majeures sur les réseaux sociaux à travers des comptes dédiés sur Facebook, Twitter, LinkedIn et YouTube.

Par cela, les réseaux sociaux deviennent une plateforme de prévention des conflits et de consolidation de la paix pour les organisations de la société civile en partenariat avec les acteurs de médias sociaux.